Mots de la francophonie.
(J'ai écrit trois textes...ça commence tranquille et après, ça dégénère...)
Texte 1
Depuis qu’il avait commencé à peindre, tout allait à vau l’eau. Il s’était installé dans le jardin pour profiter de ce magnifique matin d’été. Il se promettait de faire une belle aquarelle représentant les grands arbres du parc et leurs énormes racines. Celles-ci rappelaient les palétuviers ornant la mangrove, ces arbres qui semblent parfois avancer sur leurs racines. Il avait à peine commencé son œuvre qu’un oiseau sans éducation s’était permis de lâcher sur la toile presque vierge une belle fiente. Il dut prendre une autre feuille. Puis ce fut son chien, qui, voulant jouer, avait fait tomber le chevalet. Il avait lancé la balle un moment à l’animal, s’interrompant dans la réalisation de son chef d’œuvre. Plus tard, alors qu’il avait repris son pinceau, un insecte profitant de son immobilité sans défense, lui avait piqué le nez. Dans son geste incontrôlé pour éloigner l’impertinent, il avait à nouveau renversé son chevalet. Il était midi désormais et on l’avait appelé à table. L’après-midi, il avait bien travaillé mais très vite le ciel s’était assombri, modifiant la lumière et l’obligeant à refaire ses couleurs. Enfin, plouf, une ondée s’était abattue sans crier gare sur le malheureux peintre, engloutissant en un instant la fragile ébauche. L’eau ruisselant sur la peinture fluide avait ruiné tous ses espoirs. Il était rentré, dépité, et pour se consoler avait ouvert, sans omettre de la secouer comme il se doit, une bouteille d’Oasis, la boisson spitante qu’il aimait tant.
Texte 2
Le dab regardait la morue avec une mine de dégoût. Où qu’il l’avait dégottée, le Belge, cette mijaurée à cinq balles ? Il voyait tous ses projets aller à vau l’eau. Etait-elle au moins délurée, la michetonne ?
Le Belge, avec son drôle d’accent, lui avait dit qu’elle était spitante. Le dab avait regardé le Wallon d’un air suspect.
-Spitante, tu piges, comme l’Oasis quand tu l’as secoué !
Et il faut croire qu’il l’avait bien secouée...
Spitante ? Le mot n’était pas dans son babillard et les métaphores n’étaient pas sa tasse de thé, mais c’était pas le moment de faire de la philologie, qu’il avait pensé, même s’il n’avait pas précisément formulé la phrase de cette manière. Et si le Belge l’avait trompé sur la marchandise, il lui gardait un clebs de sa clébarde, comme ils disent à la SPA. Il te lui mettrait, plouf, une mangrove dans le buffet qui l’enverrait se coller au mur façon aquarelle. Ça risquait de ruisseler, s’il s’énervait. Mais son toubib lui avait conseillé le calme : l’avait l’sang trop fluide, fallait éviter les grosses chaleurs.
Il zyeuta plus précisément le matos de la nana : les nibs semblaient potables, pour la fraise, fallait encore voir.
-Tourne-toi qu’il lui dit.
Elle obéit. Il tressaillit.
La môme avait un dargeot à engloutir un régiment de tirailleurs !
La môme avait un dargeot à engloutir un régiment de tirailleurs !
Il sentit monter en lui comme une vague de tendresse pour le Belge. Il l’avait mal jugé. C’était pas un cave, pas un lavedu. Le dab était un tendre, comme son daron, même que les condés l’appelaient « la crème ». Une ombre de nostalgie le parcourut. Le vieux s’était pris une bastos perfide sur un casse, du côté de Marseille. Il se reprit vite et entrevit l’avenir avec sérénité. Avec une radasse comme celle-là, il voyait déjà une ondée d’artiche tomber sur lui comme la manne dans le désert. Il en arrivait presque à croire au dab suprême, qui regarde, de là-haut, dans le ciel les petites misères de ses créatures.
Glossaire pour les non-initiés :
Dab, patron, maître, chef
Morue : voir michetonne
Michetonne : prostituée
Babillard : dictionnaire
Nibs : seins
Fraise : partie postérieure
Dargeot : idem
Cave, lavedu : minable
Daron : père
Condé : flic
Bastos : balle
Radasse : voir michetonne
Artiche : argent
Texte 3
Mots de la francophonie
Conversation
À la manière d’Henri Michaux, « le grand combat »...
Une girofle qui vous veut du lien
-Ah ma villette, ma tiquette ! Quelle belle mygale !
- Je berluquais dans le quartier, et je me suis englouti : pourquoi je ne coulerais pas la rider ?
- Tu as bien carité. Rame, réduis-toi sur le porridge. Je te fais une bourlette ?
-Plutôt un garin, si cela ne te grille pas.
-À vau-l’eau, un garin, pas de trippe. Je t’en vire un double ?
-Gésier. Mais sans braque, s’il te mique.
-Toi aussi, tu as rédimé le braque ?
-Mon trépied m’a dit que j’avais un peu de profiterole, alors j’ai breaké.
-Dis-moi, alors ? Qu’est-ce que tu truffes ?
-Je ruisselle, comme toujours. Rien de bien spitant ! C’est la bouquine, mais j’aime mon griffon. Et puis le salace est plutôt musclé. Et tes maroufles ? Ils doivent être fluides, maintenant.
-Ils fluidifient à vue d’oracle ! Marc a résilié ses dix ploufs, et Léa va rimer les huit carottes de son prie-dieu demain !
- Huit carottes ! J’en berlue ! Je les nippe encore tout calissons, Léa si brichette, avec ses deux petites moufettes... Et Marc, il était si filou, quand il s’était rippé deux branques de devant, en tombant du hauban ! Le vairon passe si vite !
- Et toi ? Toujours pas de libraire en vue ?
- Un libraire ? Tu es flic ! Aquarelle je suis, aquarelle je veux bêler !
-Evite-moi, je n’aurais pas dû japper ce sujet !
-Tu n’es pas la bille, si tu rapondais ma loupe ! Elle m’escrime, tu ne peux pas burler ! À ton bloc, toujours aquarelle ! Moi qui ai toujours briqué d’avoir des mangroves, quelle crédence !
-Ne lui en foule pas, elle est comme toute les loupes, elle se fait du bûcheron, elle veut ton oasis.
-Oasis ! File-moi, avec Robert, c’est toujours la traboule ? La grande traboule, comme aux premiers flans ?
-La vie de plombe, tu sais, il y a des trics et des tracs, parfois ça bouloche un peu...
-On m’a flairé que...
-On t’a flairé ?
-Non, guédille, guédille. Je ne suis pas truc caborde...Et ce ne sont que des bribes.
-Tu en as trop flashé ou pas assez ! Calife-moi toute l’ondée !
-Non, je ne quicherais pas de te faire du calibre.
- Du calibre ! Et c’est pour me blêmir ça que tu as ridé chez moi ? Espèce de poularde ! Frippe, allez frippe !
-Mais...
-Frippe avant que je t’escarboucle !